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Pain aux céréales au levain

Au-delà du mur qui clôt notre petit jardin de ville, le prunus du voisin semble avoir fleuri du soir au matin : les branches noires d’hier se sont transformées ce matin en un nuage rose pâle. Deux grandes pies plongent du noyer pour atterrir sur les garages d’à côté, en bravant le vent qui souffle par rafales.

Je les regarde, debout dans ma cuisine minuscule (tout est petit ici depuis la dernière rénovation), en attendant que mon pain refroidisse. Lorsque l’air secoue les branches elles s’y accrochent, mais dès qu’il y a une accalmie elles reprennent leurs vols, atterrissant parfois sur la terrasse, à la recherche d’une croquette oubliée par les chiens.

Il y a longtemps que j’ai pris l’habitude de faire mon pain: dans le passé, pour pouvoir disposer d’un type que je ne trouvais pas sur place, au fil des ans de plus en plus pour ne pas devoir sillonner la région pour en trouver du bon, e surtout pour écouler le levain que, autrement, je serais obligée de jeter pour éviter qu’il ne prenne toute la place dans le frigo, puisqu’il  augmente de volume à chaque rafraîchissement. Cette semaine, en plus du pain je préparerai une pizza ou deux ou, peut-être, une roulade aux légumes façon strudel, car le petit bout que j’ai apporté il y a trois semaines s’est dédoublé plusieurs fois comme une cellule souche.

La première fois que je m’y suis risquée je venais d’une longue période d’hésitations – les recettes que j’avais lues me semblaient trop contraignantes: autant de grammes de ceci ou de cela, tel ingrédient introuvable est essentiel, laissez lever autant d’heures et pas une minute de plus; les témoignages de mes connaissances racontaient de nuits entrecoupées de pétrissages et de levées aux petites heures du matin pour une cuisson qui devait impérativement être terminée avant d’aller au travail. Bref, de quoi perdre l’envie.

La découverte des émissions de Julia Child d’abord, une amie qui entretenait son levain ensuite, de bons livres et quelques échanges d’expériences plus tard, me voilà devenue boulangère sérielle.

Surtout, en ce moment, avec du levain plein le frigo.

Mais c’est quoi donc, le levain?

Eh bien, c’est ça:

En deux mots: la farine mélangée à de l’eau et (pour se faciliter la tâche) à une substance fermentescible contenant des levures naturelles, comme des fruits très murs ou du yaourt, subit une fermentation lactique produisant du dioxyde de carbone apte à faire lever la pâte.

Pendant des millénies ce fut le seul moyen de produire du pain ; ce n’est qu’après 1860 qu’on trouva le moyen d’isoler la levure de bière ou levure de boulanger grâce à laquelle on a pu produire le pain dit français, à base de farine blanche.

Le pain produit avec du levain a des alvéoles plus petites que celui à base de levure. Il se conserve aussi plus longtemps, car l’alcool dégagé freine la rétrogradation responsable du durcissement de la mie. Un autre avantage est que le levain n’a pas besoin de beaucoup de gluten pour lever et peut être employé avec la farine de seigle ou d’autres moins riches en cette substance (ce n’est pas un cas que le taux d’intolérance au gluten ait atteint le niveau actuel : en remplaçant le levain par la levure il a fallu trouver des variétés de blé plus riches en gluten, dont l’absorbtion massive a provoqué une augmentation exponentielle de la cœliaquie et de diverses intolérances).

Le levain peut être fait à la maison, obtenu de quelqu’un ou acheté chez le boulanger. Dans certains magasins on trouve du levain déshydraté, mais attention! le levain meurt à la chaleur du processus et n’est là que pour donner un peu de goût acidulé, le véritable agent levant étant la levure.

Mais revenons donc au pain que voici :

Cette fois-ci j’ai utilisé une farine aux six céréales, mais la procédure est grosso modo la même avec n’importe quelle farine – seuls le temps varient un peu, la farine de blé levant plus vite que d’autres, et d’autant plus vite qu’elle est plus raffinée.

 

Pain aux six céréales

Ingrédients

  • 1 kilo de farine cinq ou six céréales + un peu de farine quelconque pour la planche
  • 180-200 g de levain raffraîchi
  • 550 ml d'eau, de petit-lait ou d'un mélange des deux
  • 1 cuillère à soupe de sucre, miel ou malt
  • 1 cuillère à soupe de sel

Instructions

  1. Remarques:

    Si vous utilisez uniquement de l'eau : 2 cuillers à soupe d'huile d'olive (déduisez la quantité de l'eau!)

    Si l'eau de votre robinet contient beaucoup de chlore et/ou de calcaire vous pouvez 1) la filtrer, 2) utiliser de l'eau oligominérale ou 3) deux jours avant remplir une cruche (pas de plastic), couvrir avec une étamine et laisser reposer : le chlore s'évapore et le calcaire se dépose.

     

    Préparation :

    Verser la farine dans le robot ou sur la planche (dans ce cas, faites un puits au milieu pour y ajouter les ingrédients), ajoutez le levain, le sucre et la moitié du liquide.

    Commencez le pétrissage, en ajoutant le liquide restant au fur et à mesure, jusqu'à l'obtention d'une pâte assez molle qui commence à ne plus coller au doigts.

    Ajoutez le sel e continuez à travailler la pâte une bonne dizaine de minutes (à basse vitesse dans le robot) jusqu'à 1 minute de la fin, lorsqu'on peut augmenter la vitesse pour favoriser l'intégration protéique et la distension du gluten – à la main on a le choix entre replier la pâte sur elle-même comme une lettre plusieurs fois, en donnant un quart de tour entre chaque pliage, ou la claquer sur la planche avec énergie(pensez à votre belle-mère, au chef de service, à votre ex...).

    Déplacez le pâton dans la bassine (pour éviter que ça colle trop au parois on peut l'huiler légèrement), couvrir avec le torchon mouillé et essoré et laissez lever entre 6 et 10 heures dans un endroit à l'abri des courants d'air.

    La durée dépend du type de farine et de la température ambiante. N'essayez pas d'accélérer en le mettant sur le radiateur: mieux vaut un temps plus long et une température plus basse.

    La pâte doit plus ou moins doubler de volume ; pour vérifier si elle est prête enfoncez un doigt : la pâte doit rebondir lentement et un petit creux doit persister.

    Déplacez le pâton sur la planche farinée, aplatissez-le gentiment avec la paume de la main et repliez-le en trois comme une lettre, deux ou trois fois, en donnant chaque fois un quart de tour.

    Façonnez une boule en repliant le bords sous la pâte (toujours gentiment!). Déposez-la sur une plaque de cuisson éventuellement garnie de papier cuisson, que vous aurez pris soin de fariner.

    Pratiquez deux ou trois entailles d'1 cm de profondeur, parallèles ou en croix.

    Couvrez avec le torchon (il aura séché, ne le mouillez plus) et laissez lever deux-trois heures (la pâte doit doubler de volume et vous pouvez vérifier comme pour la première levée).

    Lorsque la pâte rebondit, allumez le four au maximum.

    Placez sur le plancher le moule ou la casserole rempli(e) d'eau ou remplissez le pulvérisateur d'eau fraîche.

    Lorsque la température a atteint le maximum enfournez la plaque et réduisez immédiatement à 200°C (ventilé) ou 220° (statique), Pulvérisez de l'eau toutes les 30 secondes pendant les 3 ou 4 premières minutes, en faisant vite pour que le four reste bien chaud.

    Cuisez 45-55 minutes (le pain est cuit lorsque le fond sonne creux lorsqu'on y tape dessus ).

    Déposez sur une grille et laissez refroidir.